Elisabeth Picard est une artiste canadienne, qui vit et travaille à Montréal, au Québec.
Votre mantra
Pour avancer, ‘’il faut le faire’’, essayer, même si on doute. Cela fait partie du cheminement.
Parlez-nous de votre parcours professionnel et personnel? Comment avez-vous développé votre carrière et vos intérêts artistiques?
Je me suis très jeune intéressée au dessin et au bricolage, encouragée et soutenue par mes parents. En tant qu’enfant dyslexique, ces activités m’apportaient beaucoup de plaisir et elles m’aidaient dans mes apprentissages et dans mon ouverture au monde. Adolescente j’ai exploré l’artisanat et j’ai suivi des cours de peinture. Ces expériences ont motivé mon choix de m’inscrire dans le programme des arts au Cégep où je me suis distinguée par mon ingéniosité et mon très grand engagement. J’ai compris à cette époque qu’être bon n’était pas suffisant, mais qu’il fallait se distinguer et aller au-delà de ce qu’on nous demandait ou de ce qu’on nous enseignait. J’ai effectué par la suite mes études au Baccalauréat à l’École des Arts visuels et médiatiques de l’UQAM (2000-2004). J’étais principalement intéressée par la sculpture, la matière et les diverses techniques (bois, métal et plastique). Une fois diplômée, j’ai travaillé dans le milieu des arts pour mieux le comprendre. Je fus d’abord assistante à la programmation à Circa Art Actuel à Montréal puis, j’ai commencé à exposer mes propres œuvres dans différents endroits au Québec. Parallèlement, j’occupais des postes de techniciennes pour artistes. Ces expériences de travail m’ont beaucoup appris et j’ai énormément apprécié le fait de pouvoir mettre mes compétences aux services d’autres artistes ayant une pratique en art public dont le travail m’inspirait. Après ces premières expériences professionnelles, j’ai pris la décision de retourner aux études en m’inscrivant dans une Maîtrise en Fibre à l’Université Concordia (2008-2011). Ce retour à l’université m’a permis de développer un nouveau réseau et de relancer ma carrière d’artiste.
Avez-vous vécu des expériences hors du commun ou marquantes jusqu’à présent dans votre vie ?
Ma résidence au parc national du Gros-Morne à Terre-Neuve en 2018 fut exceptionnelle. La relation entre le paysage, le climat changeant, la flore et la géologie environnante est riche et surprenante.
Il y a aussi eu l’exposition collective à laquelle j’ai participé au Grand Palais de Paris en 2019, dont l’architecture extraordinaire à héberger de nombreuses expositions internationales depuis sa construction en 1897.
Comment avez-vous commencé à vous intéresser à l'art numérique?
Pendant ma maitrise à Concordia, j’ai découvert des artistes qui travaillaient avec l’art numérique au niveau de la programmation et du mouvement dans le contexte de l’art textile. Cet univers raffiné et sophistiqué crée par des artistes plus proches du milieu de la fibre, du textile, de la mode et du design (Ying Gao, Barbara Layne, Joanna Berzowska) ou de l’architecture ou de la science me touchait beaucoup. Sensibilisée par les possibilités de l’art numérique, j’ai commencé à compléter ma formation et mes savoirs dans le domaine de la fibre. J’ai tout d’abord commencé par faire des recherches sur l’intégration de la lumière dans mes œuvres ou dans leur système de présentation. Par la suite, je me suis intéressée à la programmation pour composer avec la lumière et le rythme et, finalement, aujourd’hui je commence à explorer le mouvement mécanique. En parallèle, j’ai souhaité ouvrir ma carrière à la réalisation d’œuvres d’art publiques. Pour ce faire, j’ai développé des œuvres dont la réalisation se faisait entre autres par le dessin vectoriel pour la découpe au laser. J’ai aussi fait l’acquisition d’une imprimante 3D qui m’a permis de réaliser des maquettes d’œuvres et certaines œuvres.
Quels sont les prochains projets en cours ?
Je travaille en ce moment sur des concours d’œuvres publiques et sur une première exposition solo à la Galerie ELLEPHANT qui me représente à Montréal.
D'après vous, comment est perçu l'art numérique au sein des arts traditionnels. Considérez-vous l'art numérique comme un courant artistique ou un médium? Y a-t-il des idées fausses sur ce qu'est l'art numérique ou comment il est défini?
Je pense qu’on associe trop rapidement le numérique au virtuel, mais il englobe aussi des œuvres physiques. Je perçois l’art numérique comme un médium très large qui regroupe la vidéo, le dessin à l’ordinateur et la programmation dans la réalisation d’œuvre sous forme d’images en mouvement ou d’œuvre exploitant l’éclairage et le mouvement physique.
Qu'est-ce que raconte votre art? Professionnellement, quel est votre objectif?
Ma recherche s’inspire des structures architecturales engendrées par les phénomènes de croissance et de transformation de la nature. Prenant exemple sur le biomorphisme et les nouvelles technologies utilisées dans les domaines du design, de l’architectonique et de l’ingénierie, je crée des sculptures et des installations aux compositions complexes. Je traduis les éléments de la nature et du paysage en des jeux d’assemblages de matières et d’éclairages.
J’exploite entre autres le potentiel formel et expressif d’attaches à tête d’équerre (Ty-Rap), la découpe au laser et l’impression 3D afin de créer de nouveaux modes d’assemblage ainsi que des motifs et textures. La teinture, l’assemblage et la répétition de ces pièces m’ont permis de développer des sculptures dont les textures inattendues peuvent évoquer le monde végétal, minéral, animal ainsi que le paysage. J’aime faire perdre les repères physiques aux spectateurs afin de combler le besoin de se transposer dans un autre univers et de susciter la contemplation.
Qui sont vos plus grandes influences?
Beaucoup de personnalités issues du monde de la science et des arts sont pour moi des modèles et une grande source d’inspiration : les biologistes D’Arcy Thompson et Peter S. Stevens, le philosophe et zoologiste Ernst Haeckel, le photographe Karl Blossfeldt, les architectes Buckminster Fuller, Phillip Besseley et Zaha Hadid, le studio de design Ball-Nogues, la designer de mode Iris Van Herpen ou encore l’artiste Olafur Elliasson. Les courants artistiques, les tendances et phénomènes qui nourrissent mon travail sont : le post-minimalisme, certaines techniques de construction issues des métiers d’art, la science-fiction, la bio luminescence, les bios structures, les fractales, les nouvelles matières et surfaces en relief créées par la fabrication digitale (découpe au laser, impression 3D).
Quelles tendances actuelles artistiques, suivez-vous?
La mode, l’architecture, le design, le milieu des arts visuels et des métiers d’art utilisant autant les techniques traditionnelles que les nouvelles technologies.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui veut se lancer dans l'art numérique et changer sa carrière?
Mes conseils sont plus pour toute personne qui désire de lancer dans l’art en général :
Être entêtée, disciplinée et fidèle à soi-même. Oser prendre des risques. Se tenir au courant de ce qui se passe dans le domaine pour tenter d’innover et de se distinguer. Ne pas hésiter à aller chercher de la formation si on pense utiliser une nouvelle technique ou un nouveau logiciel. Savoir s’entourer de personnes avec qui on peut s’associer pour mener des travaux et combiner nos forces et nos savoirs. Bien connaitre le milieu de l’art et se renseigner sur les aides, bourses et subventions accordées aux artistes. Avoir confiance en soi et en ses projets et demander du soutien financier dès qu’on a un début d’idée solide à réaliser.
Comment réseauter dans des communautés d'artistes et élargir votre réseau d'acheteur?
Il est important de rester connecter au réseau de notre ville, de notre pays en allant aux vernissages pour rencontrer d’autres artistes, mais aussi des commissaires ou des critiques, en fréquentant les festivals, en entretenant des liens solides d’amitié et d’entraide avec les autres artistes. Idéalement, il faut rester le plus possible à l’affût des nouvelles pour les artistes et appliquer à toutes les bourses, prix et candidatures pour résidence artistique qui nous correspondent. C’est aussi important d’aller à la rencontrer de personnes qu’on admire et, s’il y a une bonne connexion, leur proposer des collaborations. Il ne faut pas hésiter non plus à inviter les gens de son réseau à tous les événements auxquels on participe, ainsi qu’à son atelier. Il est finalement nécessaire de tenir à jour un site Internet afin de présenter son travail et de rester connecté à son public. Je pense que l’art numérique est, pour l’instant, plus fréquemment acquis par les grands musées, donc idéalement je conseille de travailler avec une galerie commerciale afin qu’elle nous représente auprès de ces derniers.
D'après vous, quel rôle un artiste a dans la société?
Faire rêver, piquer la curiosité, proposer une nouvelle vision du monde et surtout faire réfléchir.
Quelles sont vos ambitions pour les prochaines années ?
J’aimerais réaliser des œuvres d’art publiques dans un lieu de plus grande visibilité à Montréal ou à Québec. J’aimerais que mon travail entre dans certaines grandes collections publiques.
J’aimerais aussi faire voyager plus mes œuvres en dehors du Québec, ou ma personne par l’entremise de résidences. Je suis notamment attirée par les pays ou la nature et la topographie est vraiment contrastée : l’Islande, la Norvège, le Japon et Hawaii sont des pays qui m’attirent et m’inspirent artistiquement.
Pour accéder à ses oeuvres:
https://elisabethpicard.com/
https://ellephant.org/artists/elisabeth-picard/
ELLEPHANT, basée au coeur du quartier des spectacles à Montréal, est spécialisée dans la diffusion et la promotion d’oeuvres en arts numériques. La structure représente des artistes engagé.e.s dans une démarche faisant appel aux nouvelles technologies et initiant un rapport avec le public. https://ellephant.org