C’est la fin de l’année scolaire, on embarque en mode évaluation! Même dans le monde du travail, c’est l’heure des bilans pour plusieurs… avant des vacances bien méritées.
100 %, la note parfaite. C’est facile à comptabiliser dans un examen à choix multiples, vrai ou faux : les réponses sont bonnes ou mauvaises, on additionne les points, et hop, on a une note. C’est clair, c’est simple, c’est sans équivoque!
Au travail, dans la vie, en affaires, on nous demande (on se demande) de donner notre 100 %. Souvent, on pousse la machine, et on vise encore plus haut.
Mais 100 %, c’est quoi? 100 % de quoi? Et comment fait-on pour le juger?
Votre Honneur, Madame la Juge, au banc des accusés aujourd’hui, l’expression : « Donner son 100 % »
Mon plaidoyer est que l’accusée est coupable de mensonges et de diversion. Elle a fait preuve de mauvaise foi et porte à confusion depuis plusieurs décennies, laissant au dépourvu de trop nombreuses victimes.
Oui, votre Honneur, cette simple expression n’est en fait qu’une illusionniste que nous démasquerons en trois points :
1— La créativité et la nature humaine étant sans limites, une quantité en pourcentage est donc non applicable sur une valeur définie comme indéfinie.
2— Le 100 % est une mesure subjective d’un individu à l’autre et ne peut donc être jugée que par l’individu lui même et non par ses pairs. L’humain étant un être complexe et ambivalent, même un individu serait inapte à quantifier précisément ses efforts en pourcentage, laissant donc place à l’erreur et à l’inexactitude.
3— La vie n’ayant que pour seul objectif clair que d’être vécue, tout être vivant atteint donc l’objectif de 100 % chaque jour de son existence, peu importe l’effort donné, par le simple fait d’avoir un cœur qui bat. Et pourtant, nul ne vous dira qu’une personne vit à 100 % si elle se trouve dans un état végétatif. Donc l’énoncé « 100 % » porte à confusion.
Mon collègue avocat de la défense essaiera de vous prouver (en vain), Madame la Juge, que le dépassement est important, qu’il faut viser haut, que l’on doit soi-même se mettre des objectifs afin d’être motivé et de ressentir une certaine réussite. Mais, Madame la Juge, ne demande-t-on pas aux criminels de se réformer, aux méchants de l’être moins et aux paresseux de travailler plus? Pourtant leur nature est peut-être faite en ce sens, et donc ils visent eux aussi un 100 % de malhonnêteté, de méchanceté, de paresse? N’est-ce pas malheureusement néfaste pour la société qui les entoure?
Votre honneur, nous vous demandons une peine exemplaire pour cette expression bâclée qu’est « donner son 100 % », pour qu’ainsi, d’autres expressions comme « c’est impossible » et « c’est le nombril de la semaine »* soient elles aussi misent au cachot!
*Cette expression n’a aucun lien avec le sujet traité, mais m’énerve à 100 % ;-)
Révision: Josée Goupil