Budget qui pue

L’argent, ça me donne mal au cœur. C’est comme un mal nécessaire. Ce n’est pas que j’haïs en avoir, ou ne pas en avoir assez… C’est que faire un budget, aller chez mon comptable, c’est comme aller chez le gynéco et montrer des parties de moi qui devraient rester intimes, seulement connues de ma douce moitié et de moi-même. L’argent (ou parfois le manque de…) ça PU! Quand ton budget est entretenu, j’imagine qu’il est très sexy, mais lorsqu’il ne fait pas partie de ta « to do list » de priorités, et bien ça se peut qu’il soit pour le moins négligé et que tu sois pas trop trop fier de le montrer au grand jour!

Quand j’étais petite, le dimanche, mon père nous achetait à chaque enfant un paquet de Hubba Bubba aux cerises. Mon frère s’efforçait d’en manger une par jour afin de faire durer le paquet presque toute la semaine. Tandis que moi, je m’empiffrais des 5 énormes gommes en même temps. Oh! plaisir sucré et gommeux suprême!  Puis mon frère me narguait pour le reste de la semaine, en mâchant goulûment sa gomme chaque jour. Pas surprenant que mon frère ait donc étudié en économie! Dans mon imaginaire, il a sûrement le budget le mieux entretenu en ville. Pour ce qui est de moi, je n’ai – presque – pas changé. Je croque dans la vie à belles dents, et c’est souvent mon portefeuille qui a du mal à le digérer. Non pas que je suis dépensière à excès, loin de là! Mais m’asseoir et concevoir un budget personnel me semble impossible. Mettre en un tableau Excel mes rêves et mes besoins, les vérités vraies des entrées et des sorties bancaires afin de rentabiliser ma vie me semble de la torture!

Oui. Être en affaires a changé ma vision de l’argent et m’a permis de comprendre et d’utiliser mes ressources financières à bon escient. Je calcule vite et je calcule mieux, je connais mes chiffres, mes coûts, mes investissements pour ma compagnie… plus que dans ma vie personnelle. Mes 6 ans d’entrepreneuriat ne m’ont par contre pas permis d’apprécier plus l’argent. J’ai simplement appris à le regarder en face au lieu de détourner le regard et me pincer le nez.

Le plus difficile dans toute cette relation, c’est d’enseigner un équilibre à mes 3 enfants. Dans les 6 années de vie de l’entreprise, ils ont vu maman faire sa paperasse financière le dimanche matin, la table jonchée de factures et de paiements à classer. Ils ont même mis la main à la pâte en comptant la petite caisse, additionnant les reçus de cartes de crédit et remplissant des bordereaux de dépôt. Pour eux, c’était un jeu bien entendu (et je voulais que ça le reste!). Mais à chaque fois qu’ils s’exclamaient sur un montant d’argent perçu, je leur montrais la colonne des dépenses (et gobais une autre gomme aux cerises pour faire passer l’amertume!)

Mes enfants sont devenus de savants calculateurs de la valeur des choses. Ils me disent souvent en magasinant – et j’en suis très fière – : « Ah! regarde comme c’est beau, mais ça ne vaut pas 30 $! Si ça tombe en vente, j’aimerais bien en avoir un! »,  « Oh! regarde maman, juste 10 $ pour celui-là, je peux l’avoir? »  Est-ce qu’ils coupent la gomme aux cerises en quatre afin d’en garder pour toute la semaine? Ou est-ce qu’ils se bourrent la face d’une shot comme le faisait leur mère? Ils sont quelque part entre les deux… et j’ai l’impression que l’argent leur puera (peut-être) moins au nez et qu’ils auront le respect du travail accompli qui remplira leur compte de banque! Du moins, je l’espère.

Révision: Josée Goupil