C’est en effectuant mes recherches en prévision de l’entrevue de Madame Janick Dumas que je suis littéralement tombée sous le charme de cette femme visionnaire qui contribue à transformer les pratiques en éducation au Québec. Son leitmotiv : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde. » Pour avoir oeuvré dans le milieu scolaire pendant plus de quinze ans, je peux vous dire que sa mission est tout aussi essentielle que rafraîchissante. Avec son entreprise Destinaction, Mme Dumas souhaite, entre autres, rendre l’éducation consciente et plus humaine.
Mme Dumas, vous semblez être une passionnée de l’éducation. Dites-nous, qu’est-ce qui vous a motivé à créer votre entreprise Destinaction?
Oui, effectivement je suis passionnée! Et j’ai toujours eu la fibre d’entrepreneure en moi. En 1995, j’ai d’abord fondé « Les ailes de l’apprentissage ». J’ai par la suite été enseignante au primaire, puis, finalement, directrice générale d’une école privée. En plus d’être passionnée, je suis également très exigeante au niveau des pratiques en éducation, c’est pourquoi j’ai toujours réfléchi aux façons de faire les choses différemment. Je sentais qu’il y avait un fossé entre ce qui se faisait en éducation et ce à quoi je tendais personnellement.
En 2012, j’ai pris la décision de quitter mon poste de direction pour une année sabbatique et je me suis retrouvée à la croisée des chemins. J’avais deux choix : l’entreprise ou le doctorat. J’ai choisi l’entreprise parce que je sentais que j’avais une destination, et je me suis mise en action pour y accéder.
J’ai fondé Destinaction parce que je crois profondément que chaque jeune peut réussir si on lui remet le pouvoir de sa réussite entre les mains et qu’on lui enseigne comment accéder à ce pouvoir qu’il porte en lui. Je crois qu’il est tout aussi important, sinon plus, d’enseigner à nos jeunes le savoir-être, le savoir du coeur, puisqu’il est universel. Mon vrai travail, c’est de mettre en valeur ce que l’enfant porte de meilleur en lui afin qu’il puisse l’offrir au reste du monde. Je crois que nous avons chacun nos propres missions et devoirs à accomplir.
Vous parlez d’enseigner aux jeunes comment accéder au pouvoir de la réussite qu’ils portent en eux. Dites-moi, quelle est votre définition de la réussite?
La réussite, c’est un enfant qui est heureux et motivé chaque jour à avancer vers des objectifs. Pour moi, réussite et performance sont deux concepts différents. La performance peut être synonyme de souffrance, tandis que la réussite est synonyme de bonheur et d’accès au meilleur de soi.
Nous évoluons dans un monde dans lequel nous devons performer, mais à quel prix? La réussite nous porte toujours vers le bien-être et le bonheur. Par exemple, lorsque j’accompagne un jeune, nous définissons toujours ensemble une destination : qu’est-ce que le jeune souhaite faire et qu’est-ce qu’il est prêt à faire pour y arriver? Je crois que toutes les destinations sont nobles et que nous avons le droit de les envisager toutes. Mais pour les atteindre, nous devons déployer des actions structurées. Je suis un guide de voyage vers une destination choisie par le jeune et ses parents. Alors pour moi, lorsqu’un premier pas est fait vers sa destination, nous sommes déjà en état de réussite.
Qui vous a enseigné à vous connecter au pouvoir de réussite que vous portez en vous?
J’ai toujours été une enfant très sensible et différente des gens du milieu où j’ai grandi. Très tôt, j’ai commencé une quête du meilleur de moi. Déjà, à seize ans, je lisais Anthony Robbins! J’avais également une tante qui était spirituelle et une grand-mère qui était très active dans les organismes et les Églises, alors j’ai toujours été attirée par le recueillement.
Je dirais donc que c’est cette quête en soi, la connexion avec mon intériorité, mes expériences, mes recherches, mes observations et mes lectures, qui m’ont permis de contacter mon propre pouvoir de réussite. De plus, en travaillant avec les jeunes au début de ma carrière, j’ai rapidement observé que les enseignements du savoir-être et du coeur fonctionnaient beaucoup plus rapidement avec eux qu’avec moi! Vous savez, chaque élève que je rencontre est un grand maître, alors je peux dire qu’ils ont aussi tous contribué à ma quête.
En faisant mes recherches, j’ai remarqué que vous souhaitez souvent que la vie soit plus « douce » pour les jeunes, pour les parents et pour les enseignants. Quelle est votre recette de la douceur?
En fait, c’est d’aller là où nous sommes à notre meilleur. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de s’entêter à travailler seulement ce qui est difficile dans notre vie. Je crois que chaque difficulté est un prétexte pour éveiller une force plus grande, alors les difficultés deviennent des opportunités. Une vie plus douce, c’est se permettre d’aller là où nous sommes à notre meilleur, ce qui nous donne plus facilement accès à la réussite.
Mon don, il est avec les enfants. Il y a vraiment quelque chose de magique qui se passe lorsque je travaille avec un jeune. Par exemple, si j’accompagne un enfant qui a un défi d’opposition, je peux voir que derrière ce défi se cache une très grande force de leadership. Alors, au lieu de passer par la porte de devant en confrontant son défi d’opposition, nous allons plutôt passer par la porte de côté en lui faisant travailler sa force de détermination. Pour moi, la douceur, c’est ça. C’est apprendre à danser avec les difficultés pour les transformer en opportunités, toujours dans l’amour et dans la joie.
Vous parlez aussi de l’importance de s’accrocher à nos racines, de vivre la réussite. Quelles sont les vôtres?
J’ai six grandes valeurs qui guident ma vie. La première : l’action juste. Je me fais confiance et je laisse aller, tout en étant orientée vers ma destination. Ensuite, il y a la vérité. Être vraie avec moi-même, être authentique et transparente. Il y a aussi la non-violence, tenter le plus possible d’être dans le respect total de l’autre et de moi-même. La compassion est une autre de mes grandes valeurs; l’importance d’être bienveillant avec les autres. Puis évidemment l’amour, toujours l’amour. En terminant, il y a finalement le recueillement.
Mes racines sont dans l’intériorité. Évidemment, je suis humaine, donc je ne suis pas parfaite, mais je tends à m’enraciner avec mes valeurs le plus souvent possible, et ça passe par l’action de m’intérioriser.
Selon vous, pourquoi, en ce moment, nos écoles sont-elles en difficulté et quel serait votre idéal social en terme d’éducation?
Ce serait d’avoir un enseignement global qui permet de mettre en valeur les différents types d’intelligence, sans juste mettre en prédominance l’intelligence intellectuelle, parce que ce n’est pas vrai que nous avons juste besoin de ce type dans la vie. Nous avons également besoin de savoir-être et d’intelligence émotionnelle. Alors, mon idéal serait une école qui met aussi les autres types d’intelligence en valeur en plus de respecter la terre, la nature et l’environnement et qui favorise la consommation durable. Une école qui danse avec la vie!
Actuellement, l’école tue la créativité. On éteint la créativité en donnant une voie unique à tout le monde.
Si vous saviez combien ça me touche de vous entendre le nommer. J’ai été témoin de ce phénomène tellement souvent dans ma vie d’intervenante…
Vous savez, je crois qu’il serait possible de transformer nos écoles, même si notre système est gros. Nos enseignants aussi seraient plus heureux. En ce moment, on « presse le citron ». Dans le fond, tout ce qu’on a à faire, c’est d’adapter les choses un peu.
Une année, j’avais une classe de vingt-huit enfants, dont dix-sept qui avaient doublé ou étaient en trouble de comportement et d’apprentissage. Une classe « pizza all-dress avec extra » comme on dit! Alors j’ai proposé aux plus forts d’aider les plus faibles, s’ils étaient d’accord. Ça a été la plus belle année de ma vie. Les apprentissages qu’ils ont faits ont été extraordinaires.
En fait, on voit l’école comme offrant seulement des apprentissages intellectuels, mais il n’y a pas que ça, il y a beaucoup plus grand que ça! Nous pourrions, par exemple, travailler en français des textes qui sont formateurs au niveau du savoir-être… J’ai moi-même bâti un matériel extraordinaire, qui travaille les savoirs éthique et responsable avec les valeurs racines dont je vous ai parlé plus tôt. Alors je crois que c’est possible. Nous n’avons pas à chambarder toutes nos écoles, mais simplement à adapter le matériel en transformant un peu le contenu.
Que pouvons-nous faire, en tant que parents, pour contribuer à faire une différence dans l’éducation de nos enfants?
D’abord, ce serait de les prendre exactement comme ils sont, éviter de tout entreprendre « de front », mais plutôt mettre l’accent sur ce qui est vraiment essentiel dans la vie. Lors de ma première expérience avec ma fille, j’avais choisi de tout « prendre de front », puis au fil du temps, j’ai délaissé des choses. À partir du moment où j’ai lâché prise, la fleur s’est ouverte. Avec mon fils, j’ai choisi mes combats.
Alors, je crois que l’important, c’est de respecter à cent pour cent l’essence de notre enfant et de danser avec lui, avec ce qu’il est. Être derrière lui pour l’accompagner vers sa destination tout en lui offrant une structure. Nous avons rendez-vous avec nos enfants. Nous ne devons pas chercher à comprendre mais plutôt apprendre à danser avec eux!
La vie est belle, mais elle n’est pas facile. Nous devons le dire à nos enfants! Et nous devons leur apprendre à danser…
Vous dites souvent qu’il est important de rester dans notre coeur d’enfant, comment faites-vous?
Mon coeur d’enfant, c’est vraiment la joie et le recueillement. On parle beaucoup de méditation et de pleine conscience, mais pour moi, c’est simplement de tenter de faire face à l’adversité tout en restant dans la joie. C’est transcender les émotions en joie et continuer d’avancer. Le recueillement peut être une simple respiration consciente. C’est s’enraciner, se connecter, se recentrer à la terre et ouvrir nos ailes vers le ciel.
En terminant, vous nous avez mentionné plus tôt que nous avions tous une mission. Quel est votre message?
Gandhi, qui est l’un de mes modèles, a dit : « Sois le changement que tu veux voir dans ce monde ». Moi, je souhaite inviter les jeunes, leurs familles, les enseignants, les milieux scolaires à être ce changement-là. Nous n’avons pas de pouvoir sur la société, mais nous avons du pouvoir sur nous-mêmes. C’est notre rendez-vous. Nous avons rendez-vous à l’intérieur de nous pour être le changement que l’on veut voir dans le monde.
Mandela a aussi dit que l’éducation était l’arme la plus puissante pour transformer le monde. Moi je dirais que c’est l’éducation du coeur et du savoir-être. Je crois que c’est l’éveil de la conscience qui a le pouvoir de changer le monde.
Merci Mme Dumas. Vous êtes indéniablement une femme inspirante!
Merci à vous!
La mission de l’entreprise Destinaction est de contribuer à augmenter L’INDICE DE BONHEUR dans les écoles, à augmenter les TAUX DE RÉUSSITE et ainsi à diminuer le taux de décrochage scolaire. La vision de Mme Dumas est que tous les jeunes et tous les acteurs portent en eux les voies d’accès à la réussite. Destinaction a trois volets ; le volet clinique d’aide à la réussite (accompagnement parental, pédagogique et accompagnement pour changer les comportements vers la réussite), le volet consultation (experts-conseils dans les milieux autochtones et les milieux d’éducation) et éventuellement, le volet d’une garderie et d’une école alternatives. C’est un chemin à défricher… Souhaitons que ce dernier volet voit le jour sous peu. Perso, je serais la première personne à inscrire ma fille dans une telle garderie alternative!
RÉDACTION Josyane Bissonette ( www.centredumouvement.ca )
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