Nathalie Lasalle est conseillère municipale pour la Ville de St-Jérôme depuis 2013. Dyslexique dysorthographique, elle est une inspiration pour bien des femmes. Elle a récemment, avec d’autres femmes issues de l’univers politique, formé le groupe Élues pour la Modernisation de la Gouvernance Municipale (ÉMGM).
Parlez-nous de votre parcours et ce qui vous a poussé vers la politique municipale.
Les inégalités ont toujours été pour moi une source de combat. Mon intérêt pour la politique s’est accentué lors de ma présentation, en séance du conseil, pour soumettre un dossier sur les chats errants, afin que la ville s’engage à investir dans un programme de stérilisation. Mon dossier était appuyé par diverses personnes, vétérinaires, commerçants, animaliers et autres. Une équipe politique d’opposition me remarqua et de là, commença mon cheminement en politique active par mon élection. Dans mon premier mandat au pouvoir, tout n’a pas été rose dans mon équipe. Je me suis vite aperçue que le pouvoir se concentrait dans les mains d’un certain Boys Club à l’intérieur du groupe et que ma présence n'était souvent que parure pour eux. Cette situation m’a foncièrement choquée et de là, ma croisade a débuté contre l’inégalité.
Dans votre carrière politique, quel est votre plus grand moment?
J'en ai plusieurs, mais deux principalement que je vais vraiment garder dans mon cœur. Un montage des textes et photos de femmes et d’hommes connus, dont beaucoup du monde politique. Je leur avais demandé de m'écrire un texte de leurs mains avec une photo pour la journée de la femme du 8 mars. J’ai reçu des textes de toute beauté, remplis d'espoir pour nous toutes, car là était le but. Ce même 8 mars, alors que j'ai quitté mon parti politique pour devenir indépendante pour retrouver mon droit de parole et toute ma dignité. J’ai retrouvé en moi toute la confiance qui me caractérisait et ce, avec l'aide de certains de mes collègues masculins.
Pourquoi fonder le groupe ÉMGM?
Après avoir vécu des situations difficiles, nous nous sommes regroupées, des différents coins du Québec, en suivant les réseaux sociaux et les articles de journaux qui faisaient état des nombreuses difficultés que les élues vivaient.
Moi et mes consœurs politiciennes, conseillères et mairesse, voulions par la suite toucher et rassembler le plus possible de gens pour créer un mouvement sur la condition difficile et souvent dysfonctionnelle des séances du conseil, de l'intimidation, de l‘harcèlement psychologique, des menaces. Un mouvement pour se faire entendre par le gouvernement, mais surtout pour dire à ces femmes et hommes qu'ils ne sont plus seuls. Le mémoire avec nos recommandations sont le résultat des expériences de plusieurs femmes en politique et nous voulons, par la plateforme du projet de la loi 49, donner une vision plus adéquate et réelle des problèmes que vivent les élues qui sont là pour servir les citoyens. Problèmes qui entravent le bon fonctionnement pour une gestion saine et transparente.
Quel est votre espoir pour les femmes en politique ou celles qui y aspirent?
Que nous avons notre place avec nos idées et que nous pouvons faire la différence pour le bien commun. Que même si elles ont des lacunes dans leurs cheminements, de se concentrer sur leurs forces car en travaillant en équipe, leurs faiblesses sont compensées par les autres, d’où l’intérêt de bien s'entourer. Un exemple pour moi, je suis dyslexique orthographique, j’ai eu l’appui de mes collègues masculins qui m’ont bien fait comprendre que mes grandes forces étaient ailleurs et de me faire confiance. Si elles ont la force de défendre leurs valeurs, elles sont déjà sur le bon chemin.
Pouvez-vous, nous décrire avec des exemples concrets des moments d'intimidation, de harcèlement et de diffamation que vous avez vécus dans les dernières années.
J'en ai eu plusieurs, mais un qui m’a vraiment perturbée, est la lettre officielle du Directeur général de ma ville, en copie conforme au Maire, dans laquelle il fait référence à certaines situations inacceptables et que j’aurais ainsi contrevenue à mes obligations déontologiques, civiles, à mon code d'éthique d’élue et que mes paroles auraient été trop loin dans les médias, d’avoir dénigré la ville et j'en passe. Il m'avise qu'il ne le tolérera plus. Cette dernière phrase, je l’ai reçue comme une menace pour me déstabiliser, puisque je questionnais certaines pratiques de l’administration qui, à mon avis, étaient antidémocratiques et non transparentes. Au début, j'ai été passablement perturbée et déstabilisée, ne comprenant pas pourquoi il m’avait écrit une telle lettre d’insinuation à mon endroit, sans rencontre ou discussion au préalable. Cependant, je me suis vite ressaisie, sachant que tout était erroné. J'ai remis mes recherches et preuves à mes avocats qui, en s’appuyant sur celles-ci, ont produit un avis juridique qui stipule que le DG a manqué a son devoir de réserve, en tant que Directeur général de la ville et à son code d'éthique des DG, et que sa lettre pourrait même constituer une tentative de me museler. À ce jour, je n'ai pas eu d’excuses ou rétractations de la part du DG, ni du Maire par ailleurs, mais la cordialité est revenue entre moi et le DG. Je sais que plusieurs d’entre nous vivons ce genre d'intimidation et cela doit cesser. Il faut savoir relever la tête, rétablir les faits et se faire confiance.
Pour toutes les femmes qui souhaitent se lancer dans la politique municipale, quelles sont vos recommandations?
Ma première est vraiment de vous renseigner sur l’orientation du parti auquel vous voulez vous joindre, mais surtout sur les individus qui le compose, car tous n’ont pas les mêmes raisons et aptitudes. D'avoir un réseau déjà bien établi et de ne pas hésiter à acquérir des connaissances et informations supplémentaires à l'extérieur, car tout passe par là Plus vous aurez de cordes à votre arc, plus vos dossiers seront étoffés, car le secret est LE SAVOIR. Pour terminer, personne n’est parfait en tout, ne jamais craindre de dire qu’on s’est trompée, car c'est dans la transparence de nos actes que nous grandissons et atteignons le respect.
La conciliation vie de famille - Vie politique, est-ce vraiment possible? Selon vous, quel est le mode d'emploi pour y arriver?
Il n'y a pas de bon mode d'emploi, mais une chose est sûre, vous devez avoir auprès de vous une personne aimante qui vous supporte et vous encourage, car en tant que femme, la tâche est plus ardue et les coups arrivent plus vite. Le support de votre entourage familial est impératif, car vous allez chambouler également leurs habitudes, en conciliant doublement toutes les tâches auxquelles nous devons faire face au travail comme à la maison.
D'après vous, que font les femmes de différent en politique que leurs homologues masculins?
Je crois qu’elles démontrent plus d'empathie. Elles cherchent plus à comprendre les problématiques, avant d’envisager des solutions et prendre une décision. Ce qui est parfait avec les hommes, c’est qu’ils soumettent des solutions multiples. Pour les femmes, leurs connaissances familiales, qui évoluent, les mettent souvent devant des situations de négociation et d’argumentation, ce qui leurs donnent un avantage. La performance, qu'elles se demandent, n'est pas la même que pour les hommes. Celle-ci les contraint souvent dans des situations plus difficile en terme de temps, de perfection et de prise de décision. Personnellement, je dis Merci à ces hommes qui nous soutiennent et qui nous encouragent à prendre la place, sans limitation par le mot « notre ».