Disons que...
Je me foule un pied tantôt...
Je vais à l'hôpital. J'ai des radiographies, des béquilles, des antidouleurs. Je consulte en physio pendant quelque temps. Je guéris.
Je vais mieux, je marche bien à nouveau. C'est terminé. Épisode classé.
On ne m'en reparle pas constamment. On ne pense pas à ma place quand je marche: "Ishh... Attention! Oh... Je pense que son pied pourrait se blesser à nouveau si jamais elle marche ici ou là...» On ne se sent pas mal à l'aise chaque fois que la marche vient sur le sujet en ma présence, non. Mon histoire de pied foulé devient vite une anecdote de plus dans ma vie, un épisode drôle et/ou pathétique, rien de plus! Et si je me refoule le même pied un an plus tard? On me dira que je suis malchanceuse, on fera des blagues à propos de ma maladresse "légendaire", c'est tout!
Maintenant, disons-le...
Je me suis foulé le cerveau il y a plus d'un an.
Eh oui, j'ai fait une dépression, j'ai souffert d'épuisement et d'anxiété. J'ai suivi une thérapie, rencontré mon médecin, pris des antidépresseurs, ralenti mon rythme de travail. J'ai pris des décisions immédiates et à long terme, j'ai tout mis en place pour aller mieux.
Je vais mieux.
Est-ce qu'il se peut que je me refoule le cerveau un jour? Je ne le sais pas. C'est certain que je fais attention et que je réfléchis aux conséquences de mes actions sur ma santé mentale. Je n'ai pas le goût d’avoir mal à nouveau.
Comme un pied foulé!
Je remercie mes amis, ma famille, mes proches, de ne pas me traiter avec une espèce de crainte constante que je retombe. Oui, oui, je sais, ils m'aiment, ils tiennent à moi... Et je l'apprécie! Il ne faut pas craindre la moindre émotion que je démontre, me demander nécessairement si je vais bien avec cet air craintif d'état d'urgence imminent... Il ne faut pas avoir peur, plus que moi, de l'avenir, parce qu'on s'est senti impuissant dans le passé. Dans ma tête à moi, je suis la même personne qu'avant ma foulure au cerveau!
En fait, j'apprends à revivre, à gérer mes émotions comme avant la foulure, à fonctionner sans/malgré les petites douleurs. Est-ce qu'il m'arrive de me questionner sur ma santé mentale? C'est certain! Quand je vis une déception, une frustration, il est certain que j'analyse mon niveau de douleur, que je m'interroge un peu... J’avance un pas à la fois. Je m'aperçois vite que non, je n’ai pas besoin de béquilles, ce n'est que passager. Tout ira bien, mon cerveau est OK.
Notre société est de plus en plus ouverte à discuter de la maladie mentale, on comprend mieux les gens qui en souffrent ou en ont souffert. On est de plus en plus nombreux à l'admettre aussi, ça aide. Je crois maintenant qu'il faut garder en mémoire que, malgré nos blessures, nos foulures au cerveau, ces événements ne compromettent pas notre fondement. Nous ne sommes pas à prendre avec des pincettes, des victimes éplorées qu'il faut épargner, ou des êtres qui ne seront plus jamais stables. Non, on s'est foulé le cerveau, une fois (ou deux, ou trois), et c'est tout! On sera différent mais pareil qu'avant!
Révision: Josée Goupil