Par un beau samedi matin ensoleillé où avril s’apprêtait à tirer sa révérence pour laisser place au mois de mai, je suis tombé, en me faisant aller le pouce de bas en haut pour que défile sur l’écran de mon téléphone les actualités que l’algorithme de Facebook aura décidé de me présenter à ce moment, un article publié par un petit journal que j’apprécie beaucoup traitant de la génération Y et son rapport aux vacances.
« Bon. Qu’est-ce qu’elle a encore, ma maudite génération? » me demandai-je en tapotant (et probablement aussi en laissant s’échapper un bâillement d’ennui) sur la photo faisant office de lien vers l’article (une femme allongée dans une chaise longue, sur la plage, et dont l’angle ne permet pas de voir le visage, mais laisse toutefois apercevoir le téléphone dans sa main).
Pourquoi les Y se privent-ils de vacances?
On apprend dans cet article que, selon un sondage effectué par la TD auprès de 236 Québécois âgés de 18 ans ou plus, 92 % de ceux nés après 1982 affirment que les vacances sont « indispensables à leur bonheur ». Paradoxalement, toujours selon cette étude, ce sont 36 % de ces mêmes Y qui ne prennent pas les jours de congé auxquels ils ont droit. Bien que ce ne soit pas le point du présent billet, je me permets d’avoir quelques réserves quant à la représentativité d’un si petit échantillon à l’échelle du Québec, surtout lorsqu’on ne fait nulle part mention des modalités de l’étude.
On tente alors d’expliquer ces résultats en tirant des conclusions liées à la précarité des emplois, à la peur de manquer d’argent, au méchant téléphone intelligent, « véritable laisse électronique », qui nous tient constamment connectés et sème la discorde en venant bouleverser les frontières « sacrées » entre travail et loisirs…
Toutefois, on retrouve espoir lorsqu’il est question du chemin de vie emprunté par les Y, qui se permettent des périodes sabbatiques pour voyager avant d’entrer sur le marché du travail, ou qui mettent tout simplement un hold sur leurs études pour explorer le monde, pour vivre.
Ayant moi-même un cheminement scolaire et professionnel plutôt atypique, et ayant fait une petite saucette à l’autre bout du monde avant de retourner aux études il y a quelques années, je ne peux qu’être d’accord… l’espace de quelques phrases seulement.
Là où, une fois de plus, shit hits the fan, c’est quand on poursuit la réflexion en essayant d’expliquer pourquoi les Y ne prennent pas de vacances de par le fait qu’ils étudient trop longtemps, s’endettent davantage, et n’ont donc en bout de ligne plus d’argent pour en prendre.
C’est simple, non?
Non.
Comme on se permet d’extrapoler les résultats de cette étude aux milliers de Québécois brandés génération Y, je me permets quelques interrogations tirées d’une réflexion personnelle (moi aussi je généralise, tiens!) :
Est-ce possible que…
Est-ce possible que la génération Y, ma génération, cultive le bonheur au quotidien?
Est-ce possible qu’elle n’attende pas aux vacances pour être heureuse? Est-ce possible qu’elle n’y pense même pas?
Est-ce possible qu’elle n’accorde pas autant d’importance aux congés parce qu’elle aime ce qu’elle fait au quotidien, ce dans quoi elle travaille?
Est-ce possible que ce qui motive cette génération, ce soit justement le travail?
Est-ce possible que la génération Y en soit avant tout une de passionnés?
Est-ce possible que cette génération se réalise et soit heureuse de par ses accomplissements, et non pas seulement durant les quelques semaines par année où les heures accumulées lui en donnent le droit et lui disent que c’est normal?
Est-ce possible qu’une génération soit heureuse, même le lundi?
Est-ce possible qu’elle ait le sourire même si ses vacances ne sont que dans 3, 4, 5 mois?
Est-ce si inquiétant qu’une génération complète ne ressente pas le besoin de tirer la plug complètement entre 17 h et 9 h le lendemain matin?
Est-ce si inquiétant qu’un employé de 26, 27 ans n’ait pas EXACTEMENT le même rapport au travail que la génération d’avant?
Est-ce si inquiétant qu’une personne élevée dans une société et à un moment où les possibilités sont exponentielles n’ait pas les mêmes aspirations et la même manière de conjuguer travail et loisirs qu’une autre née 30, 40 ans plus tôt?
Est-ce possible que mon rapport à l’argent, à la stabilité professionnelle et à la présumée contradictoire fusion travail-loisirs soit différent de celui de mon père? De mon grand-père?
Est-ce possible que le monde change?
Est-ce possible qu’il évolue?