Tomber enceinte de son premier enfant à 18 ans, Mélanie Auclair n'a pas eu froid aux yeux! Inscrite au cégep dans le but de devenir dentiste, la mère en affaires a vu son parcours changer du tout au tout avec l'arrivée de Samuel! Mais comment en est-elle arrivée à peindre des chefs d'oeuvres pour les chambres d'enfants?
"Lili est arrivée deux ans plus tard. Je travaillais chez Métro comme commis aux fruits et légumes, mais j'étais aussi caissière et je touchais un peu à la boulangerie. Bref, je touchais un peu à tout! À 20 ans, croyant que ma famille était terminée, je me suis inscrite au cégep pour suivre un cours en éducation à l'enfance. J'ai adoré!''
Mélanie a travaillé pendant sept ans en installation, puis une troisième grossesse est arrivée. ''Je suis tombée enceinte de Léo, et cinq mois après sa naissance, je suis retombée enceinte de mes jumeaux. Le retour au travail était donc quasi impossible. Ça nous coûtait trop cher de garderie pour que j’y retourne. On a décidé de vendre la maison, qui était rendue trop petite, et d'acheter à Sorel une maison beaucoup plus grande afin d'avoir une garderie.'' La jeune maman entrepreneur a donc pu gagner sa vie tout en misant sur sa famille!
La jeune femme a transféré son savoir-faire et son amour des enfants chez elle, à la maison. ''J'ai eu la garderie pendant trois ans. J'ai fait une commotion cérébrale et j'ai dû arrêter de travailler pendant deux ans. J'avais des troubles, avec des suivis en réadaptation à Saint-Hyacinthe.'' Un bête accident qui a causé tout un changement chez la mère en affaires!
''J'ai reçu un bâton de bois, un 2X4, sur la tête. Ma mémoire a été atteinte et j'avais une fracture du crâne. J'ai été consulter seulement trois semaines après l'accident. La semaine avant moi, mon chum avait fait une commotion suite à un accident de VTT, donc on connaissait les symptômes. Il avait reçu trois semaines de convalescence. Mais moi, après trois semaines, je ne me pouvais plus!''
Mélanie a passé plusieurs examens à l'hôpital: elle avait des vertèbres cervicales écrasées et une fracture du crâne. ''Malgré tout, c'était bien. Je n'avais pas fait de caillot, mais j'ai dû fermer la garderie. La lumière me donnait mal aux yeux, je devais porter des lunettes de soleil pour être à l'ordinateur, mes rideaux étaient tout le temps fermés. Moi qui avais une mémoire d'éléphant, je me suis ramassé plus de mémoire. J'ai aussi souffert de bégaiement, et on oublie la patience!''
''Ça change une vie! J'ai donc été traitée en neuropsychologie, en réadaptation du langage. J'ai carrément dû réapprendre à parler, à prendre mon temps, à bien prononcer les mots. Mon cerveau était aussi rapide qu'avant, mais la parole ne suivait pas! Je suis passée à travers un an de réadaptation et deux ans de physio pour mon cou, sans oublier la médication avec la neuropsychologie. ''
Les jumeaux de Mélanie avaient trois ans quand l'accident est arrivé. ''Ça n'a pas été facile, mais le dessin est revenu dans ma vie à ce moment. C'était dans le temps de Noël et je cherchais un cadeau de Noël pour les professeurs. J'ai dessiné un paysage et un hibou sur une boule de Noël et j'ai mis ça sur Facebook. C'est comme ça que Turlututu est né!''
La jeune artiste a fait des boules et des bas de Noël, ensuite les tableaux, mais la peinture a toujours fait partie de sa vie. ''C'était moi qui faisais les cadres dans les chambres de mes enfants. J'ai toujours fait la décoration pour mes enfants. Mais avec Turlututu, je n'ai plus le temps de le faire!'' Cordonnier mal chaussé comme on dit!
''Le cadeau pour les professeurs, c'était à Noël 2014. Et ç'a vraiment fait boule de neige! On a commencé à me demander des bas de Noël avec la même image que la boule. Après ça, on a commencé à me demander des boîtiers. Et puis je me suis vite aperçue que j'avais de plus en plus de commandes. Et tout le monde me demandait si j'avais une page Facebook.'' La réponse était non.
L'artiste a dû améliorer son savoir-faire avec les ordinateurs. ''Malgré moi, j'ai dû apprendre à bâtir la page Facebook. Et puis, les demandes pour les cadres sont arrivées. J'ai fait plusieurs recherches pour trouver des fournisseurs, pour améliorer mon produit. J'ai trouvé quelqu'un pas très loin de chez moi pour les boîtiers, mais ensuite, je devais trouver un fournisseur en grosse quantité pour les cadres.'' Mélanie, au moment de l'entrevue, a dû envoyer plus de 100 cadres à une boutique!
''Les produits sont tous peints à la main, un à un. Les couches d’apprêt, la couleur, le dessin, le vernis et la décoration en plus! Donc beaucoup de travail! Et on va se le dire, une image peinte à la main, c'est beaucoup moins payant qu'une image achetée en grande surface.'' Mais comment Mélanie fait-elle pour garder la passion de dessin, voir une vie de famille épanouie et faire grandir son entreprise Turlututu?
Depuis octobre, la sœur de Mélanie vient lui donner un coup de main. '' Elle va faire la couche de fond, peindre la couleur et elle a commencé à se pratiquer pour faire les personnages.'' Le savoir-faire se transmet, d'une sœur à l'autre! La mère en affaires mentionne à quel point la chimie entre soeur est magique et importante pour la réussite et le succès de l'entreprise. Mélanie enseigne donc à sa soeur,pour faire en sorte que le résultat soit tout aussi unique. Sans l'aide de sa soeur, Mélanie ne pourrait sans doute pas y arriver, la demande grandissante de ces magnifiques produits ne cessant d'augmenter! L'apprentie va-t-elle dépasser le maître? L'histoire ne le dit pas! Mais leur équipe de travail se compose aussi des enfants. '' j'implique maintenant mes enfants. Mon fils de 15 ans fait une partie de la décoration sur les lettres de bois. Ma fille de 13 ans va souvent sabler les contours. Et mon petit Léo, 7 ans, va les mettre dans le plat! ''
Malgré le fait que ce soit de longues heures de travail, la mère en affaires n'a pas l'impression de travailler. ''Je me lève le matin et j'ai toujours une idée. J'adore ce que je fais!'' La petite famille de sept personnes a maintenant d'autres projets. ''On vend la maison pour rapetisser! J'ai 17 pièces à entretenir, cinq enfants, trois chiens et Turlututu! Avec mes 70 heures dans l'atelier, les bains et les devoirs, ça commence à être trop! Donc on déménage, car je veux poursuivre avec Turlututu!'' Comme quoi faire des choix est important!
Turlututu, c'est aussi des collaborations avec d'autres compagnies. ''Je fais tout ce qui est peint à la main, même sur des literies pour enfants. Je fais aussi les boîtes de bois, cadres, etc., qui vont avec la literie. Et on vient de sortir un nouveau produit: les abat-jour. Les dessins sont faits avec un papier carbone, pour qu'ils soient toujours pareils et peints au même endroit.''
Au moment d'écrire ces lignes, Turlututu se préparait à sortir sa propre ligne de literies pour enfants. Mais malgré l'enseignement de Mélanie, la femme d'affaires trouve difficile de transmettre son savoir-faire. ''Je ne peux pas travailler toute seule, j'ai trop de contrats. C'est difficile de montrer à quelqu’un d'autre à faire exactement la même chose que moi, mais je n'ai pas le choix. En même temps, ça me fait une présence dans l'atelier. J'aime mes pinceaux, mais ça fait du bien parler avec quelqu'un! Et pour mes enfants, ce n'est vraiment pas une corvée de venir m'aider. Même mes jumeaux de 6 ans ont hâte. Ils s’assoient à mon atelier et dessinent en même temps que moi. Ça fait en sorte que je n'ai pas l'impression de mettre mes enfants de côté.''
Il y a plein de nouveaux défis pour Mélanie avec sa literie, mais parfois, c'est le client qui lui demande de mettre son savoir-faire à profit d'une autre façon. ''J'ai reçu une porte à peindre. Un client est venu me porter une porte pour la chambre de son enfant. Et je regarde peut-être aussi pour ouvrir boutique et avoir un pignon sur rue pour 2016-2017!''
Révision: Josée Goupil