Suivant le rythme des journées plus courtes, mon corps s’est laissé envahir par une grande fatigue alors qu’un brouillard dense s’est mis à tapisser mes pensées. Je suis entrée en hibernation. Habituellement, cet état ne dure que quelques jours et j’arrive à remonter la pente après m’être reposée, mais pas cette fois. Je me suis fait peur.
Je peine à accepter ces périodes disons apathiques sans chercher à les comprendre, les analyser, les contrôler, sans avoir le désir ferme d’en trouver la cause, de prendre le taureau par les cornes et me relever le plus vite possible. Je n’ai pas que ça à faire!
J’ai compris que ça ne tournait pas rond quand je me suis surprise à être enthousiaste devant l’idée de devoir rester au lit 4 jours à la suite d’une chirurgie buccale. Une convalescence ou un état de fatigue frôlant l’épuisement, voilà vraiment ce qui justifie que je m’accorde un peu de repos?
Alors que le froid intense perdurait, je me suis autorisée à la ressentir, à y plonger sans tenter de la fuir ou de la dissimuler, j’en ai parlé et pis j’ai dormi, dormi, dormi. Jusqu’au moment où j’ai dû quitter 48hrs pour un contrat à Paris.
Depuis que je suis toute petite, la route a sur moi, un puissant effet calmant. J’ai le souvenir d’une nuit de varicelle, couchée sur la banquette arrière, que seul le vrombissement d’un moteur pouvait apaiser. Comme si l’idée de demeurer immobile dans la douleur ou l’inconfort m’est insupportable. Je dois être en mouvement.
Me voilà donc sur la 40 en direction de l’aéroport Montréal-Trudeau. À mesure que je me gave de kilomètres, je reprends tranquillement contact avec moi en dehors du tumulte et j’observe janvier. Mon esprit se pose au moment présent et je me surprends à apprécier le spectacle, les arbres dégarnis, le ciel gris et la neige blanche à l'infini, à trouver cet instant parfait et apaisant. C’est alors devenu hyper évident : je dois apprendre à aimer l’état dans lequel je suis tout comme on aime le mois de janvier; comme un passage obligé, une période de transition, sans tenter de fuir ou de tout analyser. Les leçons à en tirer viendront d’elles-mêmes. Et elles sont venues.
Il y a quelques mois, un ami m’a conseillé la lecture d’un livre, un classique psycho-pop qui a longtemps siégé dans la bibliothèque familiale, mais auquel je ne m’étais jamais intéressée. Livre que mon amoureux m’a offert peu de temps après. J’en ai commencé la lecture et j’ai senti une résistance en moi, comme si inconsciemment je repoussais les leçons transmises. Ce n’est qu’une fois arrivée à Paris, après avoir lâché prise pour la première fois lors d’un vol d’avion et ainsi vaincu ma peur, que j’ai été en mesure de tirer les apprentissages nécessaires à la compréhension de mon épuisement. La phrase suivante a été une révélation : « … chaque fois que vous faites une chose par obligation, cela signifie qu’inconsciemment vous vous préoccupez davantage de l’image de vous qu’ont les autres que de vos sentiments réels. Voilà le sens du mot conflit. »[1].
Force à été de constater que je déploie énormément d’énergie à me conformer à l’idée que je crois que vous vous faites d’une bonne citoyenne, d’une femme forte, vaillante, utile, productive, philanthrope, rayonnante plutôt qu’à me concentrer, dans le calme, sur l’essence de mon être, à respecter mes limites et ainsi rayonner pour ce que je suis et non pour ce que je pense que vous aimeriez que je sois!!! Pour faire plus simple, j’ai réalisé et admis que j’ai donc ben besoin de votre approbation, de vos tapes dans le dos et de vos « likes » pour m’accorder mon propre crédit.
[1] Guy FINLEY, Lâcher Prise, La clé de la transformation intérieure, Les éditions de l’Homme, 1990, p. 136.