Jusqu’ici, le courage était une notion pour laquelle j’avais peu d’estime. Je ne sais trop pourquoi d’ailleurs. Combien de fois ai-je soupiré et roulé les yeux intérieurement quand on me qualifiait de courageuse de mener une grossesse gémellaire (comme si j’avais été consultée avant!), de démissionner de mon emploi pour entreprendre des études de maîtrise à 34 ans, de partir faire de la coopération internationale en Afrique, de quitter une situation familiale toxique, de dénoncer des comportements abusifs posés contre moi par un proche. Pour moi, ce n’était pas du courage, c’était la vie, je ne voyais pas comment faire autrement. Le courage portait ce côté héroïque que je ne m’attribuais pas. Si je suis capable de le faire, n’importe qui le peut aussi!
Je réalise maintenant que c’est une vision bien réductrice de la réalité. Le courage ne se limite pas à l’héroïsme. Et ne se pourrait-il pas que ma normalité paraisse courageuse à quelqu’un d’autre, et vice versa? Ne se pourrait-il pas que je sois bien mauvais juge et que je me sous-estime?
Aujourd’hui, je dirais que le courage est persévérance et détermination (dans la durée, sans se décourager, poursuivre son but, son idéal, même à contre-courant), sincérité et humilité (être soi, sans artifice ni faux semblants, révéler ses forces tout autant que ses faiblesses, ses réussites et ses torts), endurance et ténacité (malgré les difficultés, les revers de situation, traverser les tempêtes), confiance et vision (derrière le brouillard, le soleil brille. « The best is yet to come »), générosité et bienveillance (partager sans compter, sans attente, (s’) aimer sans (se) juger). Pour soi et pour les autres.
Récemment, j’enseignais à mes étudiants la notion d’amitié pour soi-même comme une façon de devenir une meilleure personne (donc un meilleur gestionnaire) et de mener une vie plus heureuse, plus satisfaisante. L’amitié pour soi-même, c’est se traiter soi-même comme on traiterait notre meilleur ami et comme il nous traiterait. Cette idée n’est ni nouvelle ni de moi; elle date de plus de 2 000 ans et nous vient d’Aristote. Je vois dans cette idée une avenue intéressante pour atteindre cet équilibre tant convoité, et si difficilement accessible, entre toutes les sphères de la vie avec lesquelles on tente de jongler quotidiennement. Ce n’est certes pas la voie de la facilité. Elle demande de la bienveillance envers soi-même, de la compréhension, la capacité de s’accepter, de se pardonner, de se donner une deuxième (troisième, dixième, xième…) chance. En fait, elle demande du courage. Le courage de se donner autant d’importance qu’on en donne aux autres.
Je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper être une bonne (parfois très bonne) amie pour mes ami(e)s. Mais il me reste du chemin à faire avant d’être ma propre meilleure amie… Soyons francs, je serais une amie exécrable si je disais à mes amies ce que je me dis à moi-même, intérieurement! Pourquoi si peu de considération pour moi-même? Pourquoi suis-je incapable d’évaluer à leur juste valeur les gestes que je pose, les décisions que je prends, les paroles que je prononce, les valeurs que je porte? Pourquoi suis-je dubitative quand mes ami(e)s et ma famille me traduisent leur appréciation des gestes que je pose, des décisions que je prends, des paroles que je prononce, des valeurs que je porte? Et si elles le pensaient vraiment? Et si elles ne disaient pas ça « juste pour être fines »?
En prenant quelques pas de recul, en regardant les dernières années avec le regard externe et bienveillant de ceux qui m’aiment, je peux reconnaître qu’effectivement, j’ai été courageuse. Reste à le voir à travers mes propres yeux.
C’est dans cet esprit que je m’attaque à mon grand ménage de printemps… intérieur. La Vie m’a clairement fait comprendre que j’avais négligé l’entretien de mon moi-même ces dernières années et que l’accumulation n’était plus possible sans craindre un débordement d’envergure. Avant que la fondation ne se fissure de façon trop importante, j’ai choisi de l’écouter, de devenir ma meilleure amie. C’est mon acte de courage.
Révision: Josée Goupil