Associée responsable du secteur des marques de commerce de la firme d’avocats d’affaires BCF s.e.n.c.r.l., maman de deux enfants, récemment grand-maman, fashionista, amateure de scotch, Johanne Auger est sans aucun doute une femme qui inspire et qui laisse sa marque, si je peux me permettre le jeu de mots!
Johanne est une femme authentique, passionnée, humble et équilibrée, mais surtout d’une incroyable générosité de sa personne. Malgré ses grandes responsabilités, ses compétences et réalisations professionnelles enviables, elle partage ses expériences, positives ou négatives, les bons et les mauvais coups. Le parcours de Johanne, tant professionnel que personnel, inspire les femmes à être elles-mêmes et à croire en elles afin de se réaliser pleinement tout en respectant leurs valeurs et nous rappelle qu’avec de la volonté, de la passion et de la persévérance, il n’y a aucune limite à ce qu’on peut accomplir. J’ai le plaisir de vous présenter, par le biais de quelques questions que je lui ai adressées, cette femme inspirante.
Johanne, peux-tu nous parler de ton parcours professionnel et personnel? Notamment, comment es-tu devenu agent de marques de commerce?
Agent de marques de commerce? (Rires) Par pur défi! Alors que j’étais parajuriste en litige, j’ai été impliquée dans un dossier de marques de commerce. J’ai alors appris qu’il y avait une profession d’agent de marques de commerce, mais que les examens étaient très difficiles, qu’il fallait en moyenne 4 reprises pour les passer. Comme j’étais en plein divorce et que j’avais besoin de m’accrocher à quelque chose, j’ai décidé d’étudier et de passer ces fichus examens. Je m’étais mise en tête de les réussir du premier coup et me suis engagée tête baissée dans l’aventure. J’ai réussi... En allant aussi décrocher le prix de la meilleure note au Canada à 36 ans.
J’ai par contre commencé à travailler à temps plein à 18 ans. J’ai en effet eu besoin de voler de mes propres ailes très jeune. Pas question d’aller à l’université, ni même au cégep. J’ai donc voulu entrer rapidement dans le monde du travail en y gagnant ma vie de façon respectable. Le droit m’attirait alors je suis devenue secrétaire juridique. Après quelques mois, ma soif d’apprendre me tenaillait et je me suis mise à suivre des cours par correspondance, ensuite au cégep de soir pour finalement aller à l’université, de soir également. Mes deux grossesses, je les ai vécues sur les bancs d’université, de soir, et en travaillant à temps plein de jour. On m’a éventuellement offert un poste de parajuriste.
Tu as déjà fait référence au fait que des hommes avaient joué des rôles importants dans ta vie professionnelle. Peux-tu nous en parler?
J’ai eu le privilège d’avoir sur mon chemin des hommes qui m’ont beaucoup appris et qui ont vu en moi des choses que je ne voyais pas moi-même. En voici deux exemples.
Après avoir passé deux nuits blanches à tergiverser pour savoir si j’allais accepter le poste de parajuriste en litige que mon ancien patron venait de m’offrir, mon patron de l’époque, vice-président en ressources humaines dans une très grande entreprise à qui je venais de donner ma démission, s’est dit déçu de mon départ, mais, à ma grande surprise, il m’a dit que ce qui le peinait le plus, c’était de ne pas avoir pu m’aider dans ma réflexion... Je ne m’étais pas tournée vers lui alors que sa spécialité, c’était justement l’orientation de carrière... Je n’avais même pas songé à lui en parler alors que j’aurais très bien pu. J’aurais donc pu demander de l’aide ! Moi qui ai été élevée en me faisant dire qu’on ne pouvait compter sur personne, c’était un choc... J’aurais pu et dû m’ouvrir à cet homme généreux et compréhensif. Il a été le déclic dans mon cheminement à réaliser qu’on pouvait demander de l’aide...
Plusieurs années plus tard, le mentor qui m’avait guidée alors que je me préparais aux examens d’agent de marques m’a déclaré que je devrais devenir associée du cabinet, qu’il n’y avait aucune raison pour que je ne le devienne pas. Je n’y avais jamais pensé! Pour moi, ce n’était même pas une option. Il m’a alors fait réaliser qu’avec tous mes accomplissements (auteure, conférencière, implication professionnelle et sociale, développement de clientèle), j’en faisais déjà plus que bien d’autres... Grâce à lui j’ai commencé à me dire : « Et pourquoi pas? »
Il est important de s’aider entre femmes. Il est tout aussi important, à mon avis, d’avoir de la reconnaissance pour ces hommes qui sont « féministes » malgré eux... Soit ceux qui nous soutiennent, nous encouragent et voient souvent en nous ce que nous-mêmes ne voyons pas.
Quels furent tes plus grands défis personnels et professionnels jusqu’à présent?
Personnel: apprendre à me respecter comme personne et ne pas toujours agir pour plaire aux autres.
Professionnel: gérer une équipe au quotidien en respectant les balises de l’entreprise. Cela implique aussi la responsabilité du gagne-pain de ces gens, de ces familles.
Qu’est-ce que le bonheur pour toi? Le succès?
Le bonheur: être capable de vivre et savourer le moment présent, être sereine.
Le succès: avoir fait de mon mieux, que ce soit dans une tâche ou une situation. Le succès, pour moi, n’équivaut plus à la performance. La performance est par définition éphémère. Alors que le succès tel que je l’envisage maintenant apporte un sentiment de plénitude.
Les bonheurs et les succès, il y en a plein de petits et grands au quotidien. Il faut les reconnaître, les savourer et être en gratitude. La vie est alors beaucoup plus douce et agréable.
Un des moments dans ta vie où tu as été la plus heureuse personnellement et professionnellement?
Personnellement : le jour de mon mariage il y a 4 ans, en bottes de pluie sur la grève sur le bord du Saint-Laurent où mon âme sœur et moi avons uni le reste de nos vies, entourés de nos proches, au son de la chanson de Claude Gauthier « T’es pas une autre... »
Professionnellement : quand les associés de BCF se sont levés en applaudissant pour accueillir les nouveaux associés dont je faisais partie cette année-là...
Quel est le meilleur conseil que tu as reçu?
Tu n’as pas à tout faire toute seule. Fais confiance, fais confiance à la vie. Fais-toi confiance.
Tes passions en dehors du travail?
Admirer la nature, MON fleuve Saint-Laurent en particulier. Je ne peux le décrire, mais le fleuve, là où j’habite, est dans mes tripes. Je le vis encore mieux bottes de pluie aux pieds, à marcher dans les flaques d’eau à marée basse, à écouter la mer et le silence...
Je suis aussi passionnée de cuisine, pour le côté épicurien, mais aussi rassembleur. Cuisiner et recevoir les amis et la famille me rend heureuse. Le frigo rempli à craquer a pour moi des airs de Noël, de partage. Le vrai, pas pour les mondanités...
Et le jardinage, la musique, les voyages... et les souliers!
Une de tes plus grandes leçons de vie?
Il ne sert à rien de toujours jouer à la femme forte. Il faut se permettre d’être vulnérable. C’est comme ça qu’on s’épanouit vraiment et qu’on peut aspirer à l’équilibre.
Si tu n’étais pas Agent de marques, quelle profession aurais-tu aimé exercer?
Aucune idée! Petite, j’étais occupée à survivre et donc je n’avais pas de rêve particulier sauf gagner rapidement ma vie. Ensuite, le chemin s’est dessiné pour moi et j’ai su saisir et parfois créer des opportunités.
Si tu pouvais retourner dans le temps, quel conseil te donnerais-tu à toi-même?
Tu n’es pas seule, tu peux demander de l’aide. Que la vie n’est pas un combat. On n’a pas à toujours se battre, mais juste être...
Tu t’impliques beaucoup auprès des jeunes au sein de BCF et agis à titre de mentor. Pourquoi ces implications sont-elles importantes pour toi?
Maintenant que j’ai atteint un certain équilibre — et non pas un équilibre certain, car rien n’est jamais acquis —, je trouve naturel d’offrir le peu que j’ai à partager. Je trouve important de pouvoir redonner.
Si je peux contribuer un tant soit peu à l’épanouissement de nos jeunes, pourquoi pas. Il me semble que j’aurais aimé qu’on me dise, qu’on me partage certaines choses plus tôt que tard et avant même que je pense moi-même à oser poser des questions et trouver des réponses. Peut-être que je n’aurais pas tout écouté, tout compris, mais... Une étincelle çà et là aurait sans doute éclairé mon chemin...
Si une parole, un geste ont un impact positif sur certains, le tout n’aura pas été vain. De plus, j’aime rassembler, créer l’étincelle de l’énergie collective, développer l’esprit de coopération. On a de beaux jeunes et en équipe, on ne peut être que plus fort, se motiver et s’inspirer les uns les autres.
Quels sont tes prochains défis?
Le défi est continuel, soit de vivre le moment présent. Étant une femme d’action, c’est souvent difficile pour moi de ne pas me projeter dans l’avenir, dans le prochain projet, le prochain défi. Accepter de vivre le moment présent, comme partager avec vous mon parcours, mes apprentissages, est justement un grand défi. Je suis plutôt habituée de donner des conférences en droit des marques, pas de partager des aspects personnels de mon parcours. Un défi en soi qui ne peut que me faire grandir et me faire découvrir autre chose, si je le vis justement au présent et en pleine conscience.
Révision: Josée Goupil